Merci Madame, pour votre regard vers l'autre !

Publié le par désirs d'Avenir ouest 06

La lettre de Ségolène Royal, Présidente de la Région Poitou-Charentes 

Nelson Mandela, monument de l'histoire du courage

Au moment où Nelson Mandela est hospitalisé nous sommes de tout cœur avec lui, avec ses proches, Graça Machel, et avec les Sud africains et les citoyens du monde entier rassemblés dans leurs pensées autour de « Madiba » comme l'appellent affectueusement ses compatriotes.

Je voudrais mettre en commun ces images que j'ai prises, l'année dernière, dans la prison de Robben Island où il a passé vingt-sept années.

Malgré ces épreuves, il réussira, sans esprit de revanche, à rassembler son peuple pour présider l'Afrique du Sud.

C'est le tout premier « passeur de courage » dont je retrace l'histoire dans « Cette belle idée du courage ».

J'aime tout particulièrement ce portrait qui est affiché dans son ancienne maison du quartier de Soweto transformée depuis en petit musée.


Voici également les photos de sa cellule que j'ai prises à Robben Island :

 

« Etre libre, ce n'est pas seulement se débarrasser de ses chaînes ; c'est vivre d'une façon qui respecte et renforce la liberté des autres. »
Nelson Mandela

Cette belle idée du courage, page 22 (extraits) :

« C'est ainsi que je m'adresse à vous, Nelson Mandela, passeur de courage :
En 1976, vous venez, Nelson Mandela, de passer quatorze ans en prison et vous ne savez pas que vous allez y passer quinze ans de plus.
Quatorze ans, c'est à peu près l'âge de votre dernière fille, qui est née lorsque les menottes froides mordaient déjà vos poignets.
Sur ces quatorze années, vous venez d'en passer douze  dans un bagne atroce.
Chaque jour, depuis douze ans, vous accomplissez une série de travaux forcés, abrutissants et humiliants.
Une carrière de chaux est le lieu de ce calvaire, où vous brûlez vos yeux et perdez votre vigueur.
Ou bien alors vous cassez des cailloux, comme ça, sans but, pour expier les fautes dont les autres vous accusent.
Vous êtes retenu dans un lieu de détention sinistre, une larme de terre échappée à l'Afrique, perdue, entre le continent et le pôle lointain.
Vous n'avez pas pu enterrer votre fils quand il est mort.
Vous ne voyez pas votre femme.
Vous recevez, comme seul contact d'avec la vie continuée, une seule lettre, tous les six mois, quand vos geôliers se montrent cléments.

C'est l'eau salée de l'Atlantique, dont vous devez vous servir, pour laver votre grand corps brisé.
Votre cellule est si petite que deux pas en avalent la superficie dérisoire. Votre cellule est triste.
Vous n'avez pas de lit. Vous dormez par terre.
Vous ne demandez aucun traitement de faveur, et jeûnez, par révolte, quand les grèves de la faim éclatent.
Parmi cette cohorte de damnés, vous êtes de la pire extraction : catégorie des Noirs, espèce des condamnés politiques.
Vous avez eu une vie riche, intense : jeunesse heureuse, carrière fulgurante, l'honneur éclatant de s'être révolté.
A présent l'existence est d'une monotonie grisâtre...
A cinquante-huit ans, il vous reste peut-être quinze ans à vivre. Quinze ans où vous pourriez voir grandir vos enfants, et vous reposer un peu de vos efforts.
Quinze ans au soleil du Transval,  à aimer ceux qui vous sont chers.
Quinze ans, c'est prodigieux et c'est énorme, quand on est dans votre cellule inlassablement sillonnée, depuis douze ans.
La prison, pour quinze ans encore.
En ce jour de 1976, pourtant, un Ministre du gouvernement de l'Afrique du Sud, un de ces Afrikaners qui ont mis en place l'apartheid, ce système de ségrégation contre lequel vous tendez chacun de vos efforts depuis bientôt trente ans, un Ministre, donc, vient vous voir et vous dit : Nelson Mandela vous êtes libre.
Alors, vous revoyez tout : les mines de chaux, la couche infâme où vos os se brisent. Vous revoyez tout : Winnie, votre femme, et ces enfants,  vos enfants, dont vous êtes réduit à imaginer, inventer le visage.
Libre, vraiment ?

En réalité, c'est un marché de dupes : c'est votre silence, que l'on vient acheter. C'est votre combat, qu'on veut étouffer.
C'est votre courage, que l'on veut monnayer.
Mais quinze ans à vivre,  n'est-ce pas suffisant, pour vous renier ?
Contre un seul moment de faiblesse, dix mille autres de bonheur ?
Et pourtant, vous, Nelson Mandela, vous dîtes non.

Vous dites non au Ministre, en 1976, après quinze ans de prison, comme vous direz non, encore, dix ans plus tard, quand votre fille lira au monde entier vos discours de refus.

Comment Mandela a-t-il trouvé la force de dire non ?
Il aurait pu accepter, sans pour autant être parjure, mais simplement homme, père, mari, faillible.
Mais Mandela dit non.
Mandela ne cède pas.
Mandela choisit, une fois encore, d'accepter la nécessité de fer que l'histoire lui impose et ce choix est en fait un acte de liberté.

Ce n'est plus le geôlier qui dicte ses conditions, c'est le prisonnier s'arroge la liberté de les repousser.
La victoire, morale et politique, c'est Mandela qui la remporte.
Il sait que le prix en est lourd, effrayant même, mais qu'il préserve ainsi l'avenir d'un combat auquel il a tout sacrifié.

C'est à ces minutes, en 1976, face au ministre venu lui faire signer le pacte du diable,  dans sa minuscule cellule de Robben Island où douze années de souffrance se sont déjà évaporées au soleil de l'Atlantique, c'est à ces minutes terribles que j'ai songé, lorsque j'ai visité  la prison de celui qui deviendra le plus ancien prisonnier du monde et un leader capable de se hausser au dessus de ce qu'il avait subi ».

 Prison de Robben Island où les prisonniers cassaient des cailloux
dont la poussière leur a endommagé
durablement les poumons
(photo prise l'année dernière dans la prison transformée en musée).
 
 
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