"La France qui souffre"

Publié le par désirs d'Avenir ouest 06

Mardi 25 janvier 2011 2 25 /01 

Ségolène Royal veut porter la voix de la"France qui souffre"

Présidentielle 2012 : Ségolène Royal veut porter la voix de la "France qui souffre"

Ségolène Royal veut « reconquérir les classes populaires » pour s'imposer lors des primaires du PS.

Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon sont, l'un et l'autre, dans son viseur. Après avoir courtisé jeudi l'électorat ouvrier dans le nord de la France, à quelques kilomètres du fief de la présidente du Front national à Hénin-Beaumont, Ségolène Royal attaque ce soir le patron du Parti de gauche sur son terrain : la crise de l'euro et de l'Europe. « Il faut dénoncer l'attitude de Mélenchon, qui parie sur une défaite du PS », explique Guillaume Garot, député de Mayenne proche de Royal.

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La candidate aux primaires socialistes a donc invité du beau monde à cette « université populaire participative » qui se tient à Paris (3e) : Jacques Attali, président fondateur de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et chantre de la rigueur budgétaire croisera le fer avec Susan George, militante altermondialiste et présidente d'Attac.

Le débat, animé par le député Jean-Louis Bianco (Alpes-de-Haute-Provence), se clôturera par un discours de Ségolène Royal, qui présentera ses propres propositions pour restaurer la confiance des Français à l'égard de l'Europe et de sa monnaie.

Dimanche, sur RTL, elle a une nouvelle fois plaidé pour l'interdiction des licenciements boursiers, dénonçant « les comportements intolérables des grandes entreprises ». Elle a aussi réaffirmé sa volonté de porter la voix de « la France qui souffre ».

« Ceux qui s'adressent aujourd'hui aux Restos du cœur sont des salariés, des retraités, des jeunes qui n'arrivent plus à boucler leurs fins de mois, a-t-elle martelé. Ce n'est plus seulement du déclassement social, mais du chaos social. »


Cet ancrage à gauche vise à donner un coup de fouet à sa campagne: la présidente de Poitou-Charentes est régulièrement distancée par Dominique Strauss-Kahn et Martine Aubry dans les intentions de vote pour la présidentielle. « C'est une campagne au long cours.

Il faut faire preuve de pédagogie », relativise Garot, qui vante « la nouvelle densité » de celle qu'il soutient. Et de conclure, en détachant chaque mot comme pour mieux souligner la nuance : « Royal 2011, ce n'est pas Ségolène 2007. » Et Royal 2012 ?

Ségolène Royal au-dessus de la mine

Dans cette cité minière emblématique du Pas-de-Calais, la candidate à la primaire du PS s'est lancée dans une reconquête de l'électorat ouvrier.

Les mauvais sondages ne l'ont pas ébranlée . Fidèle à sa stratégie de franc-tireur, Ségolène Royal a une fois de plus démontré hier son sens du marketing politique. Invitée depuis septembre dernier par le maire PS de Bully-les-Mines, François Lemaire, à participer à la cérémonie annuelle des vœux de la commune, la candidate à la primaire a sauté sur l'occasion avec soin et talent. Et prononcé un discours de candidate à la présidentielle.

À Bully-les-Mines, on est accueilli par deux terrils, avant de rentrer dans un urbanisme de corons. Avec ses 12 000 habitants, son chômage à 15 %, Bully-les-Mines est emblématique de cette France industrielle, de ces mineurs « artisans des progrès sociaux », « de cette région dans laquelle s'enracine le socialisme », comme l'a décliné hier soir à la tribune Ségolène Royal. La commune est idéalement située sur la carte politique de la candidate Royal. En plein cœur du fief de Martine Aubry et à un jet de pierre d'Hénin-Beaumont, où le Front national de Marine Le Pen a efficacement profité de la désespérance sociale.

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En clair, elle fait d'une pierre deux coups. Braconner sur les terres d'Aubry et canarder le terril Le Pen. Sans les nommer, évidemment. Le maire de Bully-les-Mines, parfait dans son rôle de Monsieur Loyal, s'en charge pour elle : « Certains ont vu le déplacement de Ségolène Royal comme une provocation. Holà holà, elle vient sur les terres de Martine Aubry ! Mais, que je sache, Éric Besson n'est plus ministre de l'Immigration ! On peut donc circuler à nouveau comme on l'entend. Et je n'y peux rien si notre salle municipale, en travaux, nous a contraints de nous replier exceptionnellement dans le complexe sportif qui porte le nom de Pierre Mauroy », lance-t-il avec gourmandise. L'ambiance est chaude au PS, hier soir, dans le Nord.

Le goût de faire campagne, la présidente de Poitou-Charentes l'a davantage que les « autres » et elle compte bien en faire sa différence. Elle est arrivée le matin même pour le marché à Bully-les-Mines. « Certains sont retenus au FMI. Elle, elle est là avec nous depuis 10 heures », s'enthousiasme un adjoint de François Lemaire. Toute la journée, la candidate a accumulé les rencontres. Tout le réseau social de Bully, visiblement riche, y est passé. Des Restaurants du cœur au Secours catholique. Elle est allée déposer des fleurs au pied de la stèle à la mémoire des mineurs morts au fond de la mine et, au foyer des anciens, elle a écouté les « poèmes de Jean qui racontent sa nostalgie de la mine ». « Merci à vous tous. C'est vous qui me donnez le courage de combattre. Ce sont vos mots, vos sourires qui me donnent l'énergie de reprendre le chemin pour donner la parole à ceux qui ne l'ont pas ou qui ne l'ont plus. » C'est le peuple qui légitime Ségolène Royal, pour le bien futur du peuple. Qu'on se le dise.

Et elle le dit plutôt bien, le soir, dans le gymnase Pierre-Mauroy, plein comme un œuf. D'habitude, pour les vœux, les Bullygeois sont entre 300 et 400 autour de leur Conseil municipal et de l'harmonie. Ce soir, ils sont entre 1 500 et 2 000. François Lemaire a bien travaillé. Ségolène Royal, tailleur sombre à liseré blanc sur chemisier rouge vif, arrive du fond de la salle, tout sourire, flottant au-dessus de la mine. L'harmonie entame un french cancan avant de lui laisser la parole. « Nous pouvons construire une société différente en mettant la dignité de la personne au cœur de toute décision », lance-t-elle sous les vivats.

Ségolène Royal est venue parler de la France qui souffre. De la France ouvrière, de celle des artisans, des petits commerçants « humiliés, méprisés, abandonnés ». « Même avec un salaire, les gens ont de plus en plus de mal à vivre dignement. La valeur travail a été bafouée. Ce n'est pas acceptable. C'est le cœur du combat politique que nous allons mener », continue-t-elle.

Les « forces de l'argent », les « banquiers livrés à eux-mêmes qui jouent avec le travail » sont étrillés.

« Le système actuel est si cupide qu'il a inventé le médicament qui tue »,

lance-t-elle en référence à l'affaire du Mediator.

L'explication avec le Front national, elle va également la chercher au fond de la mine. Sans jamais le nommer. « Des mineurs de 29 nationalités ont travaillé ici. On les sélectionnait comme du bétail dans certains pays d'origine. Eux aussi se sont battus contre les patrons paternalistes pour leur arracher la Sécurité sociale, les congés payés… Et à chaque crise, ils ont fait les frais plus que les autres de la situation. Le combat change de forme, mais pas de sens. Les deux valeurs sur lesquelles nous devons refonder la République sont la solidarité et l'esprit de résistance », termine-t-elle, en reprenant sans l'évoquer la démonstration de Stéphane Hessel.

C'est Mitterrand auquel elle laisse, en le citant, le mot de la fin après avoir décliné son programme : « La victoire, vous la rencontrerez si vous la forcez. C'est une question de volonté et de clarté dans vos engagements », dit-elle, comme pour elle-même, alors que les cornes de brume et les « Ségolène présidente »

saluent la fin de son discours.

Ses adversaires à la primaire sont prévenus. Ségolène Royal carbure à l'adrénaline électorale. Et elle en est au tour de chauffe.

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